VAGUES A L'ÂME
Brigitte Ruffin
Chaque photo montre, dans un instant de vie, une personne différente, simplement « les pieds dans l’eau », juste avec un regard, et nous amène à un questionnement sur la montée des eaux, la submersion annoncée et inévitable sur notre littoral. C’est un constat, notre vie est en péril. Comment se penser, imaginer une suite... La vie comme la photographie est une question de regard.
Des amis, des acteurs de quelques minutes , rencontrés sur le rivage,  ont adhéré à mon propos.  Celui-ci nous conduit résolument à penser que les conséquences de la montée des eaux seront avant tout humaines. Quand je leur demande ce qu’ils emporteraient avec eux, si un jour ils étaient forçés à changer de lieu de vie, la plupart choisissent de nous montrer ce qu’ils veulent sauver avant tout, un animal, un tableau, un panier de légumes, un livre…; certains  se présentent les mains vides.
Les photos sont sobres et volontairement dépouillées entre eau et ciel. Les pieds dans l’eau, ligne d’eau à hauteur des épaules, pour mieux encore nous convaincre de l’imminence de cette catastrophe irréversible.
Maud, 
« Ça ne se voit pas, mais j’aime jardiner et je songe à mes tulipes. Je suis revenue dans la mai- son de mon enfance après avoir vécu trente ans sur les bords de la Charente. Je m’apprête à prendre l’allée qui descend sur la plage et m’aperçois qu’il n’y a plus que quelques mètres qui me séparent de la falaise de sable d’un grand vide, apparu en quelques années. Les rangées de tulipes de mon enfance ont disparu, le jardin s’est effondré ; bientôt je ne pourrai plus planter mes tulipes en bordure, le jardin n’existe déjà presque plus. »
Georges,
Ligne d’eau comme seule ligne d’horizon. Lignes de vies perdues.
Isabelle,
Chaque jour je scrute la ligne d’eau, qui ne cesse de monter. Sauver mes enfants sera mon unique priorité.
Alain,
Pour unique bagage, ce livret au titre calligraphié par Picasso: "Le travail du peintre"(cycles de mélodies de Francis Poulenc sur des poèmes de Paul Eluard) _ l'Arche poétique qui saura nous guider sur l'océan du monde.
Jacques
Quand ils croisèrent Jacques, il était presque midi. 
Mais d’où viens-tu ?
Du marché, là-bas
C’est loin !
Pas tant, si je longe la côte
Et maintenant, où vas-tu ? La mer est au galop!
Aux fourneaux, menu bar et grenailles...avant que la maison ne s‘écroule dans la mer.
Yves-Antoine
« Au fait, c’était une marée de combien? »
Tu sais, c’est de Simenon, la dernière phrase de son livre « La maison du juge » me dit-il.
Claude
Le soleil se lève sur une mer aux mille reflets d’argent,
La vague du matin caresse le rocher en chantant,
Folie de l’instant, un accordéon émerge de l’océan, Dansons, chantons ! le bal des SIRENES c’est maintenant !!
Nicole
« Il faut sauver les photos, ce sont les marqueurs de nos vies, ce sont notre mémoire, elles vont nous survivre sans se faner. »
Jacques
« S’il ne reste que la mer, sauver un livre pour m’échapper et ne plus penser »
Gaby
« Jamais je ne t’abandonnerai »
Caroline
La recherche, le geste et la création artistique résistent au temps, à la destruction, au pire de l’humain. On les porte en nous, ils nous porteront toujours.
Julie et Thomas,
« Viens, dessinons ensemble notre carte de l’ailleurs, rêvons, imaginons et nous trouverons tous les deux un nouveau rivage pour demain. »
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