De Courcy au couloir bleu
Ma grand-mère a quitté ces derniers mois sa maison. Celle où elle a toujours vécu, depuis que je suis né. Jour après jour, elle y a laissé son empreinte. Dans cette maison de Courcy, une part précieuse de mes jeunes années a coulé. Comme dans toutes les habitations que de vieilles personnes quittent après y avoir longtemps vécu, son décor a fini par se figer jusque dans ses moindres détails. De toutes les traces de ce passé, il ne restera bientôt plus rien. Maintenant que la maison se meurt, j’ai voulu revenir la hanter, à la recherche de mes souvenirs perdus, retrouvant parfois mon regard d’enfant. Entre ces murs, j’ai voulu errer à la rencontre d’une absence, et remonter la piste que les petits signes de vie me traçaient pour essayer de décrypter l’énigme de ce temps désormais enfui. J’ai voulu aussi être à l’écoute de ce mystère du grand âge qui cristallise progressivement des êtres devenus fragiles dans une vie où le passé vient grignoter progressivement le présent. J’ai tenté de laisser remonter la tendresse, l’émotion qui me saisissait, au fil de mes impressions, pour les sauver de la destruction. Pour garder une trace, et la transmettre, la partager. A 98 ans, ma grand-mère vit aujourd’hui dans une chambre d’un établissement médicalisé, au fond d’un cou loir bleu. Je lui dédie cette exposition et les images de sa maison.